Interview - Michel de la Teigne
Nous en avons parlé, mais le troisième (et dernier) ouvrage de Michel de la Teigne est disponible en précommande aux éditions Rouquemoute. Après “Banquette de veaux” et “Convoyeur de cons”, place à “Mon vrai visage”. L'occasion pour nous de faire l'interview de Michel… et Marion et Rémi !
Salut Michel de la Teigne, on t'a choisi pour cette session de questions-réponses. Tu es aussi connu que Michel Sardou ou que la Mère Michel, mais certains humains ne te connaissent pas, ces personnages de peu de foi ! Les boomers disent “SLT ASV” mais toi, pourrais tu te présenter ?
Marion : Je suis ancienne étudiante de métiers d'art illustration à l'Ecole Estienne, bourlinguotteuse, mère autonome/alternée de 2 marmots, gauchiasse et féminichiante. J'habite dans les Cévennes.
Rémi : Je suis auteur de plein de trucs. J'ai publié du théâtre, un jeu de société et de la BD. J'habite à Paris où j'ai rencontré Marion et ensemble, nous avons créé Michel de La Teigne, la soixantaine, taxi parisien misanthrope et humaniste, amateur de philosophie et d'insultes désuètes, et la petite centaine de personnages qui l'accompagnent.
Hannibal disait “j'aime qu'un plan se déroule comme prévu”. Ou peut-être était-ce le Joker. En tout cas, on finit peut-être par “travailler” dans un tout autre domaine que prévu initialement… Et tiens donc toi, tu voulais faire quoi en étant minot ? La bande dessinée / roman graphique t'es tombé dessus par hasard ou volonté ?
Marion : Pour ma part, c'est un rêve de gamine, d'ado, et même de jeune adulte. Ça passe par des trucs que j'dessinais, fabriquais étant gamine, puis ado, puis l'école, les boulots variés, bouquins pour enfant, la bande du Cri du Margouillat à la Réunion, des tentatives de reportages BD, de carnets….
Rémi : moi c'est clairement un malentendu. Je devais publier un roman avec un éditeur qui m'a trahi, du coup je me suis dit “fuck les éditeurs”, je vais faire des BD en ligne dans mon coin…
On grandit, on vieillit et - si on a pas le syndrome de Peter Pan - on mûrit, grâce à des principes et des gens. Avec cette trilogie quelle(s) histoire(s) avais-tu envie de raconter ? Et pourquoi sous cet angle ?
Marion : Parler de notre société, ses injustices sociales, écologiques, économiques, systémiques. L'angle, c'est Rémi qui l'a trouvé !
Rémi : Le taxi, c'est un personnage qui traverse la société. Il a l'occasion de parler entre quatre yeux à pas mal de monde, en particulier des bourgeois, des hommes politiques, des chefs d'entreprise, bref des gens puissants… Ceux qui ont décidé du monde dans lequel on vit. Michel de La Teigne, c'est un type qui dit ce qu'il pense à ces gens-là, tout ce qu'il pense, même ce que les lecteurs n'oseraient jamais dire… Et ça défoule !
Comme dirait ma mère, paraîtrait-il pas que tu sois deux ? Outre le côté bipolaire potentiel, peux-tu me raconter le pourquoi du comment en être arrivé là ?
Marion : Michel, il incarne une vision actuelle du monde, avec son histoire, ses faisceaux, à travers une multitude de gens qu'il croise, qu'il voit grandir, évoluer, qui font chier, qui nous font marrer…C'était peut-être plus facile d'assumer nos propos à travers lui, de le voir grandir et devenir, non pas une IA, un robot ou une marionnette, mais un truc animé, qui interagit, qui prend un peu vie sur la toile. Il parle de notre monde de maintenant. Du lien des lecteurs à leurs personnages, à la fiction, au stand up, au moyen d'incarner un propos, avec nos moyens technologiques qui chamboulent tous ces raports. Michel, c'est mon 3e gosse, caché, en fait. Mais en vieux. Des mômes, j'en ai fait 2 pendant que Michel rigolait des gens qui polluent le monde à trop pondre, ha ha, j'suis schizo!
Rémi : J'ai voulu dès le début que Michel soit très crédible et donc, on a décidé de le faire parler à la première personne, de faire croire que c'était un vrai taxi et de toujours signer, pendant 7 ans, Michel de La Teigne. Et ça a marché… Ça a tellement bien marché que tout le monde l'a cru, les lecteurs, la profession, un ancien ministre rapporteur de la loi sur les taxis… Pris à notre propre jeu !
Marion : Il y a toujours eu beaucoup de réactions du coup, mais pour ma part, j'ai été protégée des déferlements de commentaires sur la toile. Moi, j'suis la main de Michel qui gribouille, en coopération et en dialogue avec son cerveau, Rémi, et son garagiste d'internet, Michel B. qui a été notre webmaster pendant 7 ans.
Rémi : Ouais, on est vraiment nombreux, là-dedans !
Parmi toutes les anecdotes, si tu devais ne retenir qu'une seule et unique, ce serait laquelle et pourquoi ?
Marion : Le fait d'avoir trouvé un webmaster qui s'appelle Michel. Ça, c'est marrant.
Rémi : Sinon, 2 insultes de Michel sont des noms de champignons trouvés lors d'une balade cévenole : ganoderme luisant et fistuline hépatique. Allez insulter quelqu'un avec ça en voiture, ça fait toujours son petit effet.
Marion : Il y a aussi le fait que Fip, une radio musicale qui parle très peu, ait dédié une chronique de plusieurs minutes à Michel de La Teigne… qui écoute Fip à longueur de nuits dans son taxi.
Rémi : La classe !
Parlons peu, parlons bien, parlons bouffe. J'ai pas d'idée pour ce weekend alors je me demandais quel serait ton choix de plat, végé ou non ? Tu peux nous la partager ? Et tu l'accompagnerais de quoi tiens ?
Marion : un plat cuisiné (légume viande) avec une petite sauce, fourré avec un truc type tzatziki de saison (ortie, roquette, échalote…) avec des copeaux de cantal mi-vieux, dans une petite galette bien pliée avec de la salade à la sauce cacahuète maison.
Rémi : Punaise, tout ça dans la même assiette ? Moi, ce serait plutôt un potimarron, tu enlèves le chapeau, tu le vides par le haut, tu mets de la crème, de l'ail et du comté, tu refermes et tu le mets au four… C'est la meilleure fondue du monde !
Au top à la vachette, tu pars sur une île déserte avec un seul blu-ray, cd et/ou livre. Tu prendrais quoi et pourquoi ?
Marion : La vache, je serais bien emmerdée ! J'écoute des playlists en ligne, ou mon stock sur itunes, ou des podcasts, ou fip. J'prendrais une groooosse compile avec plein de trucs et d'ambiance différents, Sages comme des sauvages, Sexy sushi, Grieg, Rokia Traoré, Stupeflip, Paolo Conte, etc….etc… Un bouquin : “Les couilles sur la table”, issu du génial podcast de Victoire Tuaillon, ou bien un “méga dico de tout” de survivalo-collapsolo-optimiste.
Rémi : Les 3 albums de Nick Drake, sans hésiter. Ce type parle à mon âme depuis 20 ans que je le connais.
Merci d'avoir répondu à ces questions. Un message, ou un mot de la fin peut-être ?
En chœur : Bonne route, bande de foutriquets coprophages !
