Interview de Nicolas Anspach
À l’occasion de la campagne de financement participatif, nous nous sommes rapprochés de Nicolas Anspach, grand manitou des éditions Anspach pour échanger sur “Le Chant du Cygne”, l’édition et les projets.
Comment fonctionnez-vous pour le choix des auteurs et projets à éditer ?
Sourire 58, le premier album des Editions Anspach a été publié en 2018. Je publierai à la fin de l'année mon vingtième livre. Il y a quelques achats de droits à des éditeurs étrangers. Je fonctionne au coup de cœur, et je me renseigne si le livre a eu des bons échos dans son pays d'origine.
Une partie de mon catalogue explore l'histoire de la Belgique. Baudouin Deville et Patrick Weber sont devenus des amis. Nous discutons généralement des sujets entre nous. Baudouin dessine la cinquième aventure de Kathleen, Berlin 61. Nous avons déjà l'idée de la thématique du prochain. Nous reviendrons à Bruxelles au milieu des années 60.
Ensuite, je peux suggérer des thématiques. J'ai toujours voulu lire une histoire où je découvrirai à quoi ressemblait la ville d'Ostende au temps de Léopold II. J'en ai parlé à Patrick Weber, et nous avons réalisé Ostende 1905 avec la complicité de Olivier Wozniak.
Ce fut également le cas avec Rodolphe, qui est un scénariste que je fréquente depuis des années. Je connais son goût pour le paranormal et l'étrange. Je lui ai proposé le sujet de Marie et les esprits, le premier tome de Médiums (dessiné par Olivier Roman, à paraître fin d'année).
Rudi Miel, un ami, m'avait proposé à Baudouin Deville et moi-même de réaliser un récit auto-conclusif sur l'exil belge d'Albert Einstein à Coq-sur-Mer (Coq-sur-mer 1933). Il m'a ensuite parlé d'une histoire qu'il souhaitait développer autour du mur d'Hadrien, et de la présence des Romains au nord de l'actuelle Angleterre. Fabienne Pigière, avec qui il a écrit Libertalia et Buonaparte a rejoint l'équipe. Elle est docteur en Histoire, Art et Archéologie. Elle a étudié cette période, et sa présence auprès de nous est un véritable plus.
Rudi connaît mon goût pour les histoire se déroulant en Belgique. Il m'a proposé une idée. La série sera dessinée par un jeune dessinateur talentueux Théo Dubois d'Enghien.
Ces deux récits paraîtront l'année prochaine.
Je reçois bien sûr des projets dans ma boîte mail. Mais la plupart des albums que je signe font suite à une relation que j'ai avec des auteurs depuis de nombreuses années. On prolonge souvent notre amitié à travers des livres…
Qu’est ce qui vous a attiré dans le Chant du Cygne, le projet de Jim ?
J'avais déjà croisé Jim, mais nous n'étions pas amis. J'aime la bande dessinée dans toute sa diversité. Je n'avais jusqu'alors publié qu'un seul album d'humour, Avec les Compliments du chef de Frédéric Jannin et Gilles Dal.
Quand j'ai reçu le projet de Jim, j'ai été interloqué. « Le Féminisme vu par les vieux mâles en fin de course », c'était un thème interpellant. Peu de temps avant, j'avais été marqué des tweets et des articles dans la presse ou des féministes d'aujourd'hui recadraient parfois un peu sévèrement les propos d'Elisabeth Badinter lors d'une interview accordée à France Inter en septembre 2022. Elle avait pourtant ouvert la voie …
Les lignes changeaient. Il y avait quelque chose qui se passait.
Publier un livre, c'est l'accompagner. C'est réfléchir à un sujet, et peut-être essayer de le comprendre un peu mieux.
J'étais aussi étonné que Jim se mette aussi en danger, alors qu'il abordait ces dernières années la relation homme-femme dans des récits plus classique.
Pourquoi opter pour le financement participatif ?
J'ai édité dix-sept livres jusqu'à présent. Seul les livres où la création doit être payée sont financés de cette manière. Pour les achats de droits (L'Exilé, L'Année Zéro, Jylland, …) et les publications d'albums mythiques (L'œil du Chasseur / Plagiat !) je finance seul les différents coûts. Avec les risques inhérents si le livre ne trouve pas son public.
Les éditeurs installés ont une trésorerie plus confortable que celle des Editions Anspach. Ils ont catalogue avec des centaines, voire des milliers, de titres qui se vendent tous les mois … Ils financent la création en partie par ce biais.
Même si certains albums fonctionnent bien, je n'ai pas un grand catalogue. D'autres titres ont reçu un accueil plus réservé. Aujourd'hui, on parle de succès quand on vend plus de 3.000 exemplaires d'un album. Mais s'il faut payer les frais de création. L'éditeur n'est au point neutre que s'il vend 7.000 à 10.000 exemplaires. … Sans pour autant payer les frais fixes par rapport à l'activité : stockage, bureau, …
Donc, le financement participatif me permet de payer correctement les auteurs, tout en réduisant les risques.
Actuellement, quelles sont les difficultés pour un éditeur ?
Les libraires sont noyés par la surproduction. Ils n’ont matériellement pas le temps de tout lire, et il faut arriver à attirer leur attention. Il faut être d’autant plus rigoureux sur le choix des livres et l’accompagnement des auteurs.
Quels sont vos projets pour l'année 2023 ?
J'en ai déjà évoqué beaucoup. A la fin de l'année, il y aura le premier tome du Chant du Cygne (de Jim). Le premier volume de Médiums, avec Rodolphe et Olivier Roman. Et puis Berlin 61. Patrick Weber et Baudouin Deville réalisent une histoire d'espionnage, plus internationale. Les quatre premiers volumes de Kathleen évoquent l'histoire de la Belgique, mais sont lisibles par tous !
Pour l'année 2024, il y aura les deux albums scénarisés par Rudi Miel. Et puis, une un épais one-shot consacré au massacre d'Oradour-sur-Glane qui paraîtra en avril 2024. Il y a eu 643 victimes dans ce massacre perpétré dans le Limousins pour la division SS Das Reich en 1944. « Oradour 1944 – L'Innocence assassinée » est scénarisé par Jean-François Miniac et dessiné par Bruno Marivain. Robert Hébras, le dernier survivant du massacre, décédé en février 2023, a collaboré étroitement à l'album. Il a lu l'entièreté du découpage, et validé les quarante premières pages dessinées.