Thomas - Raijin BD
J’ai croisé Thomas il y a de nombreuses années, dans une autre vie. Je suivais de loin en loin sa reconversion : l’occasion rêvée pour échanger.
Salut Thomas, je te connais sans vraiment te connaître alors crevons l'abcès : qui es tu ? quel est ton parcours ? comment et pourquoi en es tu arrivé à devenir libraire bd ?
Eh bien je suis moi :) Un parcours riche en expérience de mon côté. 10 années chez le n°1 du e-commerce français (pour ne pas le nommer) ou j’ai pu occuper plusieurs postes, en allant d’approvisionneur à acheteur sur différentes familles de produits pour commercial sédentaire grands comptes pour la marketplace. Ensuite, j’ai bifurqué dans les télécoms B2B avant de succomber au covid et de ressortir un vieux projet du placard: ma librairie BD. Passionné depuis plus de 20 ans dans ce médium, je m’étais toujours dit qu’un jour, ça serait mon travail. Et c’est chose faite aujourd’hui.
Sur une échelle de 1 à 10 comment noterais tu la difficulté de ce métier ? Les fins de mois ne sont pas trop difficiles ?
Sur une pile de livres, je dirais 8. Au delà de l’aspect financier, qui est important mais pas la principale motivation (sinon je serais dans le commerce B2B), c’est la gestion quotidienne, les choix à faire et le volume de lecture qui ne sont pas facile à appréhender. Heureusement que j’aime ça, car je m'astreins à lire un maximum de la production BD qui sort. Et contrairement à certaines idées, je n’ai pas le temps de lire à la librairie. Si j’arrive un manga, en entier, sur la journée, c’est un exploit.
Avec des sorties de plus en plus rapides, il est difficile je suppose de pouvoir tout lire, tout conseiller. Comment s’opère le choix de lecture ?
Comme je te l’ai dit, j’essaie de lire tout ce que je référence. On a la chance d’avoir de temps en temps des épreuves non corrigées et du service presse, qui nous permettent de prendre de l’avance sur les sorties. Ensuite, on développe des techniques de lecture pour aller vite et saisir les éléments importants: où va l’histoire, le style graphique et on range tout ça dans un coin du cerveau pour le ressortir le moment voulu. Et parfois, on a des surprises et là, plus de techniques, on est aspiré par le livre et on se dit qu’il va falloir le relire pour valider sa place dans les coups de coeur. Et parfois, on se dit aussi qu’on n’a pas fait le bon choix par rapport à nos clients…
La relation avec les éditeurs, ou avec les clients a-t’elle changée au cours du temps ?
Je ne pense pas que cette relation ait changé avec les éditeurs. Par contre, je remarque que la relation éditeur-auteur a été modifiée. Vu le volume de la production, on voit arriver des séries courtes ou l'éditeur semble s'engager sur la totalité de la production. Le temps des séries à rallonge (en BD) est en train de s'arrêter pour des diptyques ou des trilogies, ou alors des séries de one shot. Mais dans la relation avec les libraires, c'est toujours pareil, leur rôle c'est de remplir nos étagères, notre rôle c'est de défendre les titres qui ont leur place auprès de nos lecteurs (et soulager nos étagères qui plient sous le poids des livres).
Avec les lecteurs, c'est différent, c'est toujours une relation bienveillante que j'essaie d'avoir. Comme je dis souvent aux nouveaux clients et au curieux, il n'y a pas écrit avec obligation d'achat sur la porte. On peut venir discuter, partager des lectures, rigoler, bref passer un bon moment. Et mes clients, au delà des conseils, apprécient ça, et ils reviennent. Ce n'est pas la même ambiance qu'en GSS (Grande Surface Spécialisée - NDLR).
Quel est le nom de ta boutique ? Inès demandait à ce qu’on lui mette des paillettes dans les yeux. Moi j’ai envie de venir visiter ton bouclard alors fais moi rêver ! Quelle est la déco / ambiance ?
La librairie à un nom particulier mais qui me correspond et me ressemble: Raijin BD. Alors BD, c'est facile, Raijin, c'est plus complexe. Grand amoureux du japon, je voulais donner cette connotation à la librairie, sans pour autant être 100% manga. Raijin est un Kami japonais, Kami de l'orage et de la foudre. Il est omniprésent dans la culture manga (Naruto, One piece, etc), jeux vidéos (clin d'œil à Mortal Kombat et Christophe Lambert dans le rôle de Raiden) et même BD.
Niveau déco, l'entrée ressemble à un torii japonais (de loin hein), une grande fresque réalisée par un graffeur pro orne le mur derrière le comptoir. Les autres murs sont teintés d'un rouge sombre et de jaune. Et une ambiance musicale rock/métal complète le tout (j'ai pas peur de le dire, je paye la sacem :p )
J’ai envie que tu me conseilles un de tes coups de cœur de tous les temps, et le dernier qui t’as tapé dans l'œil. On part sur quoi ?
Un coup de cœur de tous les temps, ce n'est pas facile çà comme question… Je préfère quand on me demande s'il existe une BD sur le curling, on peut toujours finir par trouver un centre d'intérêt qui s'en rapproche XD.
Mon dernier coup de cœur, c'est Talion, de Sylvain Ferret, édité chez Glénat. De la SF, dystopique post apo. Des dessins tout simplement incroyables, des choix de point vues assez rares en BD et une architecture digne des meilleures œuvres de Tsutomu Nihei. Une histoire de maladie qui ravage le monde, de lutte des classes, d'introspection, de quête de vérité etc….
Mais pour te répondre sur le coup de coeur de tous les temps, je choisirais un auteur: Takehiko Inoue, l'auteur du magnifique Slam Dunk, de l'incroyable Vagabond (série sur Miyamoto Musashi, adapté librement du roman La pierre et le Sabre) et le trop sous-côté Real sur le Handi Basket.
Quels sont tes projets pour les mois à venir ? Des évènements ?
Toujours pleins de projets, en ce moment j’organise un concours de dessin pour les 1 an de la librairie, quelques dédicaces à venir à la librairie (Grun pour la série On Mars, Sepia pour la série Le petit peuple), une soirée One Piece en septembre, un petit festival geek/anime en septembre aussi ou je serais exposant avec un mangaka français, et plein de petites choses en fonction de mes idées et de mes envies. Je n’ai pas de contraintes, si ce n’est moi même et mes deux bras 🙂