Éditions de l'Olivier

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l’Olivier est né d’un pari, ou plus exactement de plusieurs paris. Le premier, c’est celui que firent les dirigeants du Seuil lorsqu’ils me proposèrent de devenir leur associé, afin de créer ensemble une nouvelle maison d’édition. Le deuxième – le mien – reposait sur une confiance aussi irrationnelle qu’inébranlable dans ma capacité à publier des écrivains dignes de ce nom. Le troisième consistait en une hypothèse selon laquelle la littérature était capable de rassembler un nombre suffisant de lecteurs pour que cette entreprise ne soit pas vaine. La littérature ? Mais laquelle ? deman-dèrent mes associés, chez qui le doute commençait à s’insinuer. Pour calmer leur inquiétude, je m’efforçai de trouver un nom digne de mon projet. J’en proposai deux.Horizons« Horizons » est le titre d’une revue créée autrefois par Cyril Connolly. En l’évoquant, je cherchais moins à me référer à un exemple qu’à une idée : celle du dépaysement qui, selon moi, fait partie intégrante de la chose littéraire, et de l’activité éditoriale elle-même. En découlait le caractère profondément cosmopolite de notre futur catalogue. La dominante anglo-saxonne devait beaucoup à mon histoire personnelle. J’avais déjà pas mal bourlingué dans les Lettres américaines. Ayant appris très tôt à négocier avec les éditeurs et les agents, j’étais devenu l’un de leurs inter-locuteurs privilégiés. Il me fallut d’abord affronter les critiques de mon entourage : personne n’aimait « Horizons » (« on dirait le nom d’une agence de voyages », me fit remarquer quelqu’un), et je n’étais plus très sûr moi-même de la justesse de ce choix. Mais le concept me plaisait, sans doute parce qu’il me rappelait mes études de philo. L’horizon était ce qui permettait de penser ensemble un « ici » et un « là-bas », et donc de s’orienter, de définir un cap par rapport à un repère lui-même en mouvement. La métaphore géographique et l’usage du pluriel renvoyaient à un point de vue réflexif, échappant ainsi à la trivialité du « travel writing », voire de la « world fiction », que j’avais involontairement contribué à populariser, quelques années plus tôt.Janus n’est pas le dieu plus connu du panthéon romain. Enfant, on m’avait montré une statue représentant ce personnage pourvu de deux visages, dont l’un regardait vers l’avenir et l’autre vers le passé. À Rome, les portes du temple qui lui était dédié devaient rester ouvertes en temps de paix, fermées en temps de guerre. Janus était le dieu du passage, ce sans quoi il n’y avait aucun changement possible. Cette incarnation de l’unité dans la dualité était un symbole magnifique. Mes associés s’y rallièrent par défaut. Et c’est ainsi que fut baptisée provisoirement la société éditrice. Mais la question de la marque demeurait entière.L’arbre Comme je demeurais réticent à l’idée d’utiliser mon nom, un ami me suggéra de « me faire un prénom ». Pourquoi pas l’Olivier? De toute façon, il fallait en finir, pour que tout commence. Restait à imaginer un logo, une couverture. C’est John McConnell, un des designers les plus brillants de l’agence Pentagram, qui eut l’idée de cette signature en forme d’illustration. L’extrême simplicité de la charte graphique permettait de concevoir les couvertures sans multiplier les allers-retours avec Pentagram, dont les bureaux sont à Londres. Je compris que cet arbre en ombre chinoise était comme un diagramme qui réconciliait les contradictions du projet que j’avais eu tant de mal à formuler : le haut et le bas, l’immobilité et le changement, le proche et le lointain, tout s’accordait enfin. La maquette contenait d’autres secrets, que je découvris progressivement.D’un certain genre On sait que, pour Milan Kundera, le roman moderne n’est pas un genre littéraire parmi d’autres, mais celui qui les résume tous : il n’« examine pas la réalité, mais l’existence. Or l’existence n’est pas ce qui s’est passé », elle est « le champ des possibilités humaines, tout ce que l’homme peut devenir, tout ce dont il est capable. » Je reconnais pleinement notre projet dans cette affirmation. Il n’est pas rare qu’on nous demande pourquoi nos livres ne comportent aucune mention d’appartenance à un genre défini ou à une collection (roman, nouvelles, récit, etc.). Il me semble que la formule de Kundera est en soi une réponse – de même que la référence au cosmopolitisme explique l’absence de distinction entre le domaine étranger et le domaine français.
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